Pourquoi partir habiter à l’étranger nous fait du bien.

Pourquoi partir habiter à l’étranger nous fait du bien.

Nous ressentons quelque chose de différent lorsque nous décidons de partir habiter à l’étranger pour une durée indéterminée en comparaison au sentiment de liberté qui s’empare de nous lorsque nous faisons nos bagages pour quelques jours de vacances en Italie, voir même quelques semaines de road trip en Amérique latine. De la symbolique de la nouvelle langue au renouveau culturel, que se cache t-il derrière ce sentiment si particulier? Que vient-on chercher au travers de ce changement de vie ? Qu’implique sur le plan personnel le fait de revenir dans son pays d’origine après plusieurs années d’exil?

Five friends in convertible car, waving arms in air, rear view

Trois expatriés à Berlin nous racontent leurs aventures, avec leurs doutes, leurs déceptions, leurs découvertes et le pourquoi du comment de leur décision. De quoi vous donner envie, ou pas, de sauter le pas !

Marie P. 24 ans originaire de Bordeaux et à Berlin depuis 3 ans. « En fait, c’est assez classique, j’ai l’impression d’entendre mon histoire à chaque fois que je demande à quelqu’un, alors pourquoi t’es venue ici? Ça a commencé par un stage que je devais faire pour valider ma dernière année d’étude. J’ai choisi Berlin parce que j’avais une amie qui vivait ici et que je parlais un peu l’allemand. Quand je suis arrivée je me suis pris une auberge de jeunesse en pensant trouver un appart dans les jours suivants. Mais (rires) ça s’est pas vraiment passé comme je le voulais. Je me suis fait un peu avoir car le seul appart que j’ai trouvé sur le site « WG Gesucht » était hors de prix, je pense qu’on m’a un peu arnaquée. Je me rappelle aussi avoir été un peu perdue au début dans Berlin. Je prenais le métro pour aller d’Alexanderplatz à Weinmeisterstr sans me rendre compte que je pouvais y aller à pied en 2 minutes. Tout est grand ici, et les immeubles se ressemblent beaucoup alors oui au début c’était un peu dur. Je connaissais pas non plus grand monde et je trainais beaucoup avec les français de ma boîte ce qui m’embêtait un peu. Ça s’est un peu amélioré par la suite mais faut dire que devenir amie avec un allemand c’est pas facile (rire). Je rencontrais des gens mais c’était des amitiés assez superficielles. La plupart du temps, on faisait la fête ensemble au Sisyphos puis le lendemain chacun rentrait chez lui complètement arraché. Je suis contente de m’être fait un peu violence et d’avoir de part moi-même parlé aux gens. C’est ça aussi habiter dans une nouvelle ville, un nouveau pays. Faut pas attendre que les gens viennent te voir, tu dois y aller par toi même bien que ça soit pas facile! J’avais la chance de me débrouiller avec la langue mais je pense que si tu parles pas un mot d’allemand c’est peut être plus compliqué de s’intégrer. On dit bien que tout le monde comprend l’anglais ici mais quand tu demandes au chauffeur de bus s’il se rend bien à Sonnenallee, ça peut être compliqué! Je pense rentrer en France un jour oui, mais pas tout de suite.

« Faut pas attendre que les gens viennent te voir, tu dois y aller par toi même bien que ça soit pas facile! »

J’ai trouvé un endroit où je suis bien, j’ai rencontré des gens cools bien que ça soit pas facile tous les jours. Je crois que c’est avant tout ça que je cherchais, un coup de pied au cul, un renouveau dans ma vie. Je supportais plus ma vie à Bordeaux il me fallait autre chose à tel point que quand je suis arrivée ici je m’énervais quand j’entendais des gens parler français. Maintenant j’apprécie retourner en France occasionnellement pour voir ma famille et mes amis du lycée mais faut pas que j’y reste trop longtemps haha ! »

« Je crois que c’est avant tout ça que je cherchais, un coup de pied au cul, un renouveau dans ma vie »

Michela, 30 ans originaire de Milan, à Berlin depuis 2 ans.

« Je suis arrivée à Berlin le 15.04.2014, il y a 2 ans, je suis venue ici pour chercher un travail plus intéressant et j’avais aussi envie de vivre dans un pays différent. J’aime la vie musicale de Berlin, ses concerts et les opportunités qu’y s’y présentent. Par exemple pour trouver des gens avec lesquels former un groupe.

J’aime bien ici et maintenant j’ai pas envie de changer mais c’est vrai que les relations humaines ne sont pas toujours simples en ne connaissant pas bien la langue. Il y a tout de suite une barrière qui se met en place et c’est dur.Ça a été difficile pour moi alors je traine aussi beaucoup avec des italiens ça me permet de garder un pied dans mon pays comme ça. On se sent différent et peut être un peu rejeté quand on peut pas parler fluidement avec quelqu’un, alors j’espère que je vais pouvoir améliorer mon allemand. »

La symbolique de la langue influence aussi notre perception et notre vécu. On peut parfois avoir l’impression que les personnes qui parlent une autre langue que la notre sont plus sympathique. Des chercheurs de l’Université de Chicago se sont par ailleurs aperçus que le fait de réfléchir dans une autre langue crée une distance qui conduit à des décisions plus mûrement réfléchies et moins dépendantes de nos émotions. « La raison principale à ce phénomène, c’est peut-être qu’une langue étrangère a moins de résonnance affective qu’une langue maternelle« , a déclaré le chercheur Sayuri Hayakawa. On peut peut être voir là un renouveau, une manière de couper avec sa vie d’avant de manière pas toujours consciente.

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Enfin Jules, 36 ans originaire de Paris nous raconte l’envers du décor de son « rêve berlinois ».

« J’ai tout laissé derrière moi, je voulais changer de vie, d’identité peut être aussi. Je me rappelle l’insouciance que j’ai ressenti lorsque j’ai posé mes valises à Kreuzberg en 2008. J’avais l’impression d’être un ado qui découvre la vie, tu sais le genre de mec un peu relou qui veut sortir tout le temps et faire dix mille trucs à la fois. J’étais le premier à arriver en club et le dernier à en ressortir. J’y passais tous mes week-ends pour compenser une semaine de boulot à passer des coups de fils. J’aimais pas vraiment la startup où je travaillais mais bon ça payait le loyer. Le lundi je pensais qu’à une chose, sortir sortir et sortir! J’attendais le vendredi soir avec impatience et je rêvais aux soirées de débauche qui m’attendaient. Je me suis vite laissé entrainer là dedans. Puis, petit à petit j’ai commencé à ne plus aller au taf à cause des lendemains de fête difficile. Je prenais de plus en plus de drogue, un ecsta par ci, un gramme par là et tout a volé en éclat. Mes amis sont partis, enfin je parle de mes vrais amis parce que je m’en suis fait des dizaines d’autres avec qui je partageais rien d’autre que ma coke en y repensant. Mais ça tu t’en rends pas compte sur le moment.

« Mes amis sont partis, enfin je parle de mes vrais amis parce que je m’en suis fait des dizaines d’autres avec qui je partageais rien d’autre que ma coke en y repensant« 

C’était pas une période heureuse et ça m’a détruit quand même un peu. Je suis venu ici pour ça, parce que je voulais échapper à ma vie d’avant, devenir quelqu’un d’autre pour au final me réduire à néant. C’était ce que je recherchais quand j’étais dans les soirées, couper avec mon identité et sombrer petit à petit dans l’anonymat. Heureusement, j’en ai fini depuis longtemps avec tout ça, mais je pense que beaucoup de gens tombent dans ce piège car tout est excitant ici. Tout bouge plus vite qu’ailleurs et faut juste faire attention à ne pas se perdre. Je suis rentré en France il y a 2 ans et ça m’a fait un bien fou. Un peu comme quand tu pars en vacances et que tu retournes chez toi avec tes parents qui t’attendent un gâteau sur la table. Le gâteau est bon, tu es content de retrouver tes frères et soeurs mais très vite tu repenses à tes vacances, aux amours rencontrés, et ouais ça te rend un peu nostalique quoi ! « 

 

Propos recueillis par Karla Bernat.